Il suffit de regarder l’actualité récente pour constater qu’une même personne peut recevoir le qualificatif de dangereux un jour et non le lendemain.
Le Colonel KADAHFI a été considéré pendant des décennies comme une des personnes les plus dangereuses au monde, avant d’être réhabilité et reçu avec tous les honneurs par nos gouvernants. Depuis le printemps, il était poursuivi par le Tribunal Pénal International et il a été finalement éliminé sommairement, il y a quelques jours.
Dans les années 2000, cet homme avait, dit-on, changé de comportement, tenu les propos attendus et obtenu la possibilité d’être « fréquentable ». Reconnaissons que cette expertise datait de plus de deux ans !
L’évaluation de la dangerosité potentielle de DSK n’a cessé de faire le ludion depuis le printemps. Un jour grand de ce monde, le lendemain agresseur sexuel, potentiellement criminel, destiné à finir ses jours en prison, pour finalement soulever la question d’un complot destiné à écarter un candidat trop brillant. Alors, auteur dangereux ou victime ?
Gérard NIVEAU, Psychiatre et criminologue, spécialisé dans l‘évaluation expertale des auteurs de crimes et délit vient de publier un livre intitulé « Évaluation de la dangerosité et du risque de récidive ».
Il rappelle que « Tout le monde évalue quotidiennement le danger qu’il peut ou croit pouvoir rencontrer…L’évaluation de la dangerosité potentielle d’autrui est un attitude spontanée et naturelle…Il s’agit d’un comportement en grande partie instinctif, hérité de l’évolution, car indispensable à la survie ».
« Évaluer le danger que représente autrui » est complexe. NIVEAU décrit quatre générations d’outils.
L’évaluation clinique non structurée constitue la première génération. Elle a l’avantage d’être un processus centré sur l’individu, mais son efficacité de prédiction est faible (33% selon MONAHAN 1981). Le hasard donne de meilleurs résultats prédictifs que le clinicien, même spécialiste!
Pour obtenir une meilleure efficience, il a été fait appel aux méthodes statistiques des assurances qui par régressions multiples déterminent des groupes de risques différents. Les échelles actuarielles représentent la seconde génération d’outils. Les plus connues la VRAG, la SORAG, l’ERRS, la Statique 99 et le MnSOSRT-R ont été critiquées, car elles donnent le risque d’un groupe et non de l’individu qui ne se confond jamais exactement avec ce groupe.
La troisième génération est celle des instruments de jugement clinique structuré qui associe des éléments historiques issus de l’anamnèse, des éléments cliniques et des éléments de gestion du risque. L’HCR 20 domine cette génération avec sa déclinaison pour le risque de récidive sexuelles, la SVR 20 et l’échelle SONAR et plus récemment la SARA.
La quatrième génération se situe au delà des oppositions entre les dimensions actuarielles et cliniques en intégrant dans des instruments très volumineux, souvent informatisés, les facteurs dynamiques et statiques. NIVEAU cite le LSI-R et le LSI/CMI, le FORTRES et le Risk Matrix 2000.
Toute la difficulté demeure dans le fait d’arriver à placer une personne avec sa spécificité et son contexte, dans ce qui demeure un groupe statistique.
N’oublions pas la publicité du LOTO. Si chaque joueur n’a statistiquement (quasi) aucune chance de gagner. Il est certain que « tous les gagnants ont joué ».
Le même raisonnement s’applique pour l’analyse de la dangerosité, à partir des récidivistes.
À l’heure d’une période pré-électorale importante. Nous allons sans doute entendre parler de sécurité. Soyons vigilants.
Docteur Dominique STRAUB
CRIAVS Rhône-Alpes, Responsable de la délégation de Saint ETIENNE