Lettre d´info n°9 - Avril 2010 - Suite

Suite critique d´ouvrage : " Un droit postmoderne ?"

L’hypothèse de cet ouvrage part de l’effet de la globalisation (européennisation du droit, mondialisation de la délinquance) sur le droit pénal lui-même dont la souveraineté et la territorialité sont amenées à être revisitées. La mondialisation qui ne respecte plus le principe de territorialité, qui venait limiter le droit de punir dans des états souverains, serait une marque d’un droit postmoderne qui se construit soit en opposition, soit dans le prolongement de la philosophie des Lumières fondatrice du droit dit « moderne ».

Dans cette évolution, le terrorisme y tient une place certaine mais aussi (et surtout) la répression de la délinquance sexuelle qui a abouti à une multiplicité de règles dérogatoires composant un droit pénal « à part » qui signe d’une certaine façon la perte des repères par l’abolition des frontières du droit pénal (Florence Leturmy, chap. 7). Il faut noter qu’avec ce droit dérogatoire s’ouvre une restriction du droit à l’oubli. Ce refus, et la prolifération des fichiers et mesures de surveillance, traduisent une déviation du droit qui passe d’une réaction légitime à une prévention exacerbée de l’infraction ouvrant sur une société « sécuritaire ». Dans celle-ci le droit traque l’infraction et cherche à l’anticiper dans la recherche d’une prédictivité qui fonderait un « Droit pénal de l’anticipation ». Celui-ci se lie aujourd’hui à un droit pénal de la traçabilité, qui culmine dans les mesures de sûreté mises actuellement en place, tel les PSEM (placement sous surveillance électronique mobile).

À cette thématique, il convient d’ajouter toutes celles que traite cet ouvrage : responsabilité des malades mentaux, droit des mineurs, mises en causes des responsabilités politiques, la prison, les peines automatiques, l’approche économique du système pénal, toutes ces thématiques conduisent à un tableau utilitariste du droit pénal en Europe.
En France, cet aspect pragmatique masque mal une approche idéologique du droit pénal que l’on peut qualifier  de « Libéralisme autoritaire et compassionnel » (Denis Salas, chap. 6). Pour autant, ce que certains nomment des avancées, avec le poids grandissant d’un droit centré sur la victime, ne semblent être que des régressions masquées qui se révèlent être la résurgence d’un passé enfoui comme la tendance à pénaliser le risque qui est une forme de retour à Lombroso et Ferri, sous la forme d’un néopositivisme.

Enfin, et cet ouvrage le met particulièrement en valeur au travers son approche européenne, cette frénésie législative, ouvrant sur un temps sécuritaire, ne semble in fine gouvernée par aucune logique. Cette absence, liée à un pragmatisme revendiqué en maints domaines, indiquerait que nous sommes entrés dans une ère du droit pénal postmoderne. Pour autant les auteurs semblent prudents quant à une telle conclusion. Ils font remarquer que ces  évolutions complexifient la configuration pénale, ce qui la rend différente de ce qui était connu jusqu’alors. Pour autant, il ne semble pas que nous soyons face à un nouveau modèle du droit pénal. L’intérêt général de cet ouvrage est de nous indiquer combien l’évolution du droit pénal est liée à celle des modes d’organisations sociales et politiques.

 

André Ciavaldini

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