Lettre d´info n°8 - Suite

Une sécurité dont nul ne peut sortir, n’est-ce pas une prison ? (Suite)

Mais cette lecture par la CAS ne semble guère avoir modifié le projet de Loi, dans lequel on retrouve un renforcement de la loi du 25 février 2008 relative à la rétention de sûreté (en la rendant effective) et à la déclaration d’irresponsabilité pénale pour trouble mental. Les traitements inhibiteurs hormonaux (antiandrogènes) sont inscrits dans la loi même s’ils restent sous la gouverne d’une prescription médicale (OUF). L’information concernant ces sujets est renforcée par la constitution de « répertoires » dans lesquels seront centralisés « les expertises, évaluations et examens psychiatriques, médico-psychologiques, psychologiques et pluridisciplinaires des personnes [judiciarisées qui seraient effectués] :

1° Au cours de l’enquête

2° Au cours de l’instruction

3° À l’occasion d’un jugement

Au cours de l’exécution de la peine

5° Préalablement au prononcé ou durant le réroulement d’une mesure de surveillance ou de rétention de sûreté

6° En application des articles 706-136 ou 706-137

7° Durant le déroulement d’une hospitalisation d’office.

Certes tout cela n’est accessible qu’« aux seules autorités judiciaires » mais peut être accessible à l’administration pénitentiaire pour une "évaluation pluridisciplinaire de la dangerosité".


Voici le mot lâché : évaluation de la dangerosité. Laquelle ? Bien entendu, celle psychiatrique étant évaluée par les psychiatres, il reste celle criminologique. C’est à celle-ci que la loi fait référence. Qui la fera ? Avec quels outils ? On jugera donc par avance, et cela hors les prétoires, pour des faits potentiels qui n’auront pas encore été commis. Faudrait-il penser que cette loi serait “scélérate”  en ce sens qu’elle rompt le lien entre le crime et la peine ?  La justice deviendrait-elle préventive en incriminant la probabilité criminelle ? Mais ce qui est le plus criminel, c’est d’instrumentaliser le vécu délabrant des victimes pour déployer une politique sécuritaire inadaptée qui ne fait, en stigmatisant, encore et encore plus la criminalité sexuelle, que la renforcer, comme la récidive sort renforcée à chaque amenuisement des aménagements de peines.


Nous voici donc dans l’ère compassionnelle, définie et dénoncée par Denis Salas (in SALAS D. La volonté de punir. Essai sur le populisme pénal. Paris : Hachette, Coll. Pluriel, 2008, 286 p.), qui pointe le fait que l’opinion publique faisant irruption dans le champ pénal créé un phénomène de « populisme pénal »  dont ces lois sécuritaires, produites à la demande de nos dirigeants, ne sont que l’émergence. C’est ce « populisme » qui nomme les dangers et réclame les peines. C’est lui, encore, qui rompt les « Droits de l’Homme », en faisant certains inégaux en Droit, puisque leur avenir est grevé d’un risque, d’un potentiel de dangerosité à venir pas encore advenu. Supposition pénale enclenchant la confiscation d’une Liberté à laquelle ils auraient pu prétendre.


Mais à trop étouffer le risque, l’aggrave t-on ou le créé t-on ?


André Ciavaldini

    Mentions Légales    Crédits    Plan du site