Lettre d´info n°8 - Suite

Suite Critique d’ouvrage : Qu’est-ce que la pédophilie ?


L’ouvrage en référence défend fermement l’idée que le psychanalyste peut entendre le discours du pédophile, ce qui n’est pas sa moindre avancée, il avance qu’il peut aussi l’aider. L’aider à quoi ? D’emblée Serge André fustige ses collègues analystes qui ne veulent pas entendre ces sujets et de citer les divers arguments que nos échanges professionnels nous donnent à entendre : pas de demande, fausse demande, manipulation de l’analyste pour recevoir un acquiescement qui vaudrait autorisation, etc. Serge André va même jusqu’à fustiger le silence de certains analystes. Il présente la dimension sociale dans laquelle s’inscrit le plus souvent le discours sur le pédophile et la pédophilie. Il nous trace les impacts de la transformation des idéaux d’aujourd’hui, ce vouloir rester enfant, adolescent. L’enfant qui fait la loi et destitue le parent de sa place symbolique. Enfant idolâtré, adulte infantilisé.


Si l’ouvrage nous propose de traiter la pédophilie de l’intérieur, jamais n’est véritablement questionnée la source clinique de l’étude faite par Guidino Gosselin. Le livre en effet s’appuie sur le récit "exact " écrit l’auteur, du vécu d’un pédophile qui aurait transmis son « roman autobiographique » à  un professeur d’université pour justifier de ses actes. Il ne s’agit pas du récit d’un traitement au long cours, seul moyen de pouvoir évoquer la pédophilie de l’intérieur, au sens d’un processus transféro-contre-transférentiel à l’œuvre. Le reste n’est que psychanalyse appliquée et ne dit pas grand-chose du  traitement analytique du pédophile et encore moins  comment pouvoir l’aider, ce qui est la prétention de cet ouvrage. Jamais l’étude des écrits de Sade ne dira ce qu’il en est de la prise en charge thérapeutique du sadique. Tout au plus peut-on en savoir un peu de ce qu’un homme peut fantasmer de la violence sexuelle à faire à un tiers, violence que l’on nomme en référence au fameux marquis, le sadisme. C’est là le grand écueil de ce livre. Comme si le texte était une réalité clinique, alors que ce n’est qu’une réalité littéraire qui, en aucun cas, ne nous dit rien de la pédophilie en tant qu’elle est un passage par un acte de violence. Nous n’avons affaire ici qu’à des fantasmes pédophiles dont le lecteur psychanalyste fait crédit à l’auteur qu’ils ont été réalisés !  Qu’en sait-il ?


La pédophilie est alors rangée aux accessoires de la perversion.


Pour autant l’ouvrage est un parcours intéressant à qui veut comprendre ce que le terme de perversion signifie dans une modélisation lacanienne. Est passé en revue, sur la base de cet écrit littéraire, l’ensemble des éléments qui ouvrent à la question de la perversion comme structure. Est traité en détail le rapport à l’Autre, à la castration, à la femme et à la jouissance. Les traits structurels de la perversion sont bien identifiés, particulièrement la question du démenti de la castration,  de la fonction de l’objet fétiche mais aussi la néo-création d’une éthique propre au pervers. Si l’ouvrage se prolonge sur la relation de Montherlant à l’enfance, il se termine sur un court plaidoyer avec lequel on ne peut qu’être en partie d’accord et qui se résume par « la pédophilie relève plus de la santé publique que du judiciaire ». Cette conclusion fustige le tout sécuritaire et encourage « une réflexion qui doit porter sur les formes de la remédiation qui permettent d’éradiquer les "passages à l’acte". Comment être d’accord avec une telle formule ? Quand on se veut psychanalyste, que révèle au terme d’un ouvrage ce terme ? N’ouvre t-elle pas sur un totalitarisme : aider n’est pas éradiquer.


Enfin, et dans le même sillage, cet ouvrage a le grand défaut de ne présenter aucune autre référence qu’à lui-même et aux siens, jusqu’à éluder les travaux de ses aînés. Par exemple, p.43, il annonce que « certains » ont évoqué que pour le pédophile l’enfant joue le rôle d’un fétiche. «  Idée intéressante, est-il écrit, quoique inexacte ». Sans citer qui a émis cette hypothèse : Claude Balier.  Ce dernier auteur n’étant jamais cité, on peut se demander la valeur d’un ouvrage qui ne s’autoriserait que de lui-même en oubliant les « quelques autres » qui l’ont précédé ? La recherche c’est d’abord et avant tout savoir ce que l’on doit à ceux qui nous ont précédés. Ici, cela fait profondément défaut. Pour un ouvrage portant sur la perversion et sa capacité dissimulatrice, cela est bien gênant et confine quelque peu à de l’auto-engendrement analytique.

 

André Ciavaldini

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