Éclairage analytique du film "Trust" (Suite)

Ont été soulevés les interrogations suivantes :


-    autour de la justesse du positionnement et de la distance parentale à l’égard de l’intimité de leur adolescente, voire de leurs adolescents, avant et après l’annonce du passage à l’acte violent sexuel dont leur fille a été victime. Entre intrusion et respect des limites de l’intimité et de la sexualité en devenir des adolescents, comment évaluer la bonne distance? Quels interlocuteurs tiers pourraient être ressources pour traverser ces questionnements parentaux, et parfois ce malaise familial, sans rupture de dialogue ?

 

-    autour de la nécessité, au sein de ce dialogue parents-enfants, d’accompagner à la construction du discernement et de l’esprit critique des adolescents à l’égard des nouvelles technologies. Plus particulièrement de leur usage quant à leur intimité, leur image, mais également de la dimension virtuelle et parfois exclusive de ce type de lien social, qui est un facteur de risque à la mise sous emprise par adulte ou un groupe. A ce moment de sa construction identitaire, le sujet adolescent s’avère particulièrement vulnérable à cette modalité du lien marquée par la confusion des limites en soi et l’autre.

 

-    au sujet de l’importance d’un accompagnement de la victime et de sa famille dans ce type de situation traumatique, en ce qu’elle vient mettre à mal le lien de confiance en soi et en l’autre dans l’intimité, le narcissisme de la cellule familiale. Il s’agit d’être à l’écoute de l’angoisse et de la honte, pour la victime, liées à son sentiment d’avoir déçu ses parents du fait d’avoir été victime de viol. Il importe, également, d’ouvrir un espace d’expression à la culpabilité parentale, liée à l’insupportable sentiment d’avoir failli dans la fonction de protection des enfants et de la famille, ainsi qu’à l’attaque, pour le narcissisme parental et familial, que peut représenter le viol sur l’image infantile idéalisée de la victime adolescente.

 

-    enfin, nous avons questionné le contexte de cet événement traumatique subjectif et familial, qui semble être marqué, pour chacun de ses membres, par une forme de transition. Celle-ci ébranle l’homéostasie familiale autant que le sentiment de sécurité interne partagé jusque-là, comme par excès de confiance en soi et en l’autre. La vigilance parentale serait-elle amoindrie par le succès paternel, lié à son investissement professionnel jusque tard en soirée, au domicile familial? Ou bien, par l’enthousiasme maternel, que le départ du fils pour la fac soit synonyme d’un espace et d’un temps qu’elle pourra davantage consacrer à sa vie de femme? En dépit des alarmes prévenant toute intrusion au sein du foyer par une menace venant de l’extérieur, l’introduction de l’accès internet dans la chambre de leur fille adolescente, peut-être tout autant que l’émergence de la sexualité chez celle-ci, semble introduire une menace intérieure sous-estimée. Si le départ de l’aîné, quittant ce noyau familial protecteur pour aller à la fac, sollicite le regard et la présence des parents l’accompagnant dans ce rite initiatique qu’ils ont eux-mêmes connu, il est fait moins de cas de la traversée de ce second moment de séparation-individuation qu’est l’adolescence pour Annie. Est-elle encore perçue comme une enfant, et en ce sens, pas encore concernée par cet enjeu du sexuel? Au regard de sa personnalité curieuse, battante, confiante, comme le suggère le discours paternel à la fin du film, est-elle surestimée dans son degré de maturité, dans sa capacité à composer avec l’inconnu? Or, à l’heure d’entrer dans le « devenir adulte », sorte d’équation aux multiples inconnus, Annie se confronte à l’énigme du sexuel, du désir de l’autre, à la transformation de son corps sexué, à son immaturité psychique. Lorsque le groupe de pairs, les membres de la famille semblent faire défaut dans leur capacité à se rendre disponibles, à se proposer comme support identificatoire et étayage qui correspondraient à Annie, survient Charlie, tel un passeur vers cet inconnu, qui, la convoquant à une place et un statut d’adulte, la séduit, la rassure tout en la piégeant dans un lien d’emprise jusqu’à l’abus sexuel.

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