Lettre d´information du CRIAVS Rhône-Alpes N°26 - Décembre 2011
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Actualité et défense sociale : quelques repères

Le drame de la mort de la petite Agnès violée et tuée par Mathieu âgé de 17 ans et surtout son retentissement social et médiatique ont à nouveau mis l’accent sur les phénomènes de dangerosité perçue et les élans compassionnels pour certaines victimes choisies qui finissent par aller contre le but visé de prévenir la récidive avec l’incantation « plus jamais ça ».
A nouveau nous avons été menacés d’une réponse législative et immédiate, en ping-pong oserait-on dire si la gravité du sujet le permettait, renvoyant la balle dans le camp des professionnels forcément incompétents ou négligents si les faits osent résister aux résultats assignés par le politique.
Le Garde des Sceaux a heureusement pris position samedi 3 décembre à l’inverse de la démagogie, en rappelant que la justice est humaine donc faillible et qu’elle ne peut travailler sans les professionnels de toutes les disciplines qui sincèrement se dévouent dans leur métier au quotidien, avec beaucoup plus de succès qu’on ne l’imagine : les délinquants sexuels qui reviennent à la vie civile et humaine sont beaucoup plus nombreux que l’accent mis sur les exceptions ne le laisse entendre.
Les psychiatres, psychologues et tous les intervenants auprès des auteurs de violences sexuelles revendiquent d’être fiables à défaut d’être infaillibles, c’est-à-dire qu’on puisse utiliser leur travail et qu’ils concourent de manière bénéfique à l’amélioration du cadre de vie de tous et des rapports entre toutes les personnes.
Mais en matière d’approche des auteurs d’infraction à caractère sexuel plus encore qu’ailleurs, il n’y a non seulement pas d’infaillibilité mais pas d’invulnérabilité non plus. Il n’est pas possible d’aborder le délinquant sexuel d’une façon différente de l’abord d’une autre personne, d’un autrui qui est mon semblable et qui le reste même s’il a momentanément quitté le camp des hommes par un geste abominable.
Je ne peux qu’être vulnérable à l’autre, ouvert à sa parole et au « dérangement » qu’elle peut provoquer en moi que je sois en situation thérapeutique ou en situation d’évaluation ; je ne peux récuser d’emblée la parole de l’autre en lui attribuant le statut d’inhumanité et en mettant accessoirement tout l’humain du côté de la victime. Dans cette position aucun des deux ne peut guérir, se réconcilier avec soi-même et reprendre sa marche dans le respect des autres, ni la victime qui ne retrouve pas son droit à être après avoir été niée, ni l’auteur qui prendra appui sur une disqualification « injuste » pour justifier son propre comportement … voire les récidives à venir !
En même temps que le meurtrier du petit Justin jugé à Bourg à force renforts et présence de télévisions, est jugé dans l’Oise un père de 47 ans qui a violé et causé la mort avec mauvais traitement de sa fille de deux ans qu’il a emmenée lui-même à l’hôpital en ne reconnaissant que très partiellement les faits. La violence intra-familiale de ce dernier n’est pas et de loin jugée aussi « intéressante » du point de vue médiatique alors qu’il n’y a pas grande différence dans l’horreur que ce geste inspire avec celui des victimes exemplaires si ce n’est leur nombre : on tue hélas beaucoup plus dans les familles qu’à l’extérieur et les efforts de prévention primaire devraient en premier s’intéresser au soutien des pères violents et potentiellement dangereux, des situations de précarité et pauvreté affective etc… Le C.R.I.A.V.S. peut aider à recentrer l’attention et les efforts sans pour autant excuser et a fortiori exonérer les auteurs d’agressions sexuelles.

 

Docteur Pierre LAMOTHE

Psychiatre, Responsable de la délégation de Lyon du CRIAVS-RA

Billet d’humeur

« La Vierge et l’Enfant en Majesté » (Cimabue, Maestra) …

Ce qui s’est passé au Chambon sur Lignon, le viol et le meurtre d’une jeune fille de 13 ans par un jeune garçon de 17 ans ,  est dramatique  et exceptionnel. Au delà de la stupeur et l’aspect monstrueux d’un tel drame, il s’agit de ne pas perdre  notre raison et nos capacités de penser la prise en charge judiciaire, sanitaire et sociale des adolescents auteurs de violence sexuelle que les professionnels de terrain connaissent bien.Le passage à l’acte sexuel chez les adolescents s’inscrit, pour la plupart, dans le processus adolescent, décrit sous le terme de « pubertaire » par Philippe Gutton.
Si  nombre d’auteurs adultes de violence sexuelle ont commis leur premier passage à l’acte à l’adolescence, en lien avec l’accès à la sexualité génitalisée, tous les adolescents auteurs de violence sexuelle, devenus adultes n’ont pas récidivé.
« On peut faire une erreur de diagnostic, mais il n´existe pas à proprement parler d´erreur de pronostic car, par définition, même s´il est très favorable, il reste toujours une zone d´incertitude. Et c´est encore plus vrai pour les adolescents chez lesquels la personnalité est rarement fixée. Chez eux, il n´y a pas obligatoirement de parallélisme entre la gravité des actes commis et un trouble nettement repérable » D. Zagury, Le Monde 21.11.2011.
Certains passages à l’acte sexuel s’inscrivent,  selon certains auteurs dans la littérature psychanalytique (G.Bonnet, F .Marty, A. Eiguer), comme une expérience transgressive, structurante de la personnalité, au même titre que d’autres transgressions délinquantes, d’expérimentation des limites et de conduites à risque   sans vocation à se reproduire.
« La délinquance sexuelle adolescente est extrêmement complexe à circonscrire et à chiffrer, car ses auteurs sont des sujets en voie de maturation, et elle peut revêtir des expressions transgressives diverses. On ne peut placer sur le même plan les viols en réunion commis par des adolescents de banlieues difficiles, les dérapages de l´apprentissage de la sexualité, le besoin de prestance virile, les conduites d´allure psychopathique dominées par l´instabilité et l´impulsivité, les ébauches de structuration perverse avec repérage d´une jouissance à la domination, et les actes hors norme comme le viol et le meurtre de la jeune Agnès. Parce que ces derniers sont rarissimes et particulièrement atroces, ils sont ceux qui nous bouleversent le plus. » D. Zagury Le Monde 21.11.2011.
Ce qui s’est passé au Chambon sur Lignon est dramatique  et exceptionnel.
Mais nous devons rester vigilants à ce que le seuil de notre capacité de représentance, et le curseur de l’âge de la majorité pénale, ne se déplace au gré des faits divers, aussi atroces soient-il. Le risque majeur serait de rabattre la justice et les prises en charge des mineurs à  celles des adultes et de perdre la spécificité des tribunaux pour enfants.
Le danger de l’abolition de la différence, lorsqu’on considère un enfant ou un adolescent comme un adulte, mène à la confusion des âges, et à la confusion des places et des générations.
Jean-Claude Quentel, Professeur des sciences du langage, à l’Université de Rennes, a développé (1), la notion de « respons » comme la capacité de pouvoir tenir une position de responsabilité, de répondre de ses actes, ce dont les enfants sont incapables, du fait de leur immaturité. Ils ont à être guidés et soutenus par les adultes.
Chez les adolescents, le traitement semble paradoxal, puisqu’il leur est demandé des « respons »,  c’est à dire de tenir une position du côté d’une responsabilité judiciaire, avant de leur donner le droit d’être majeur.
Considérer les enfants et les adolescents comme nos pairs, relève d’une tentative des adultes de se défausser de leurs responsabilités vis à vis de leurs enfants. Raisonner en terme de différences, c’est reconnaître que les enfants et les adolescents ont besoin d’être aidés, soutenus, entendus et guidés par les adultes ,  qu’ils ont besoin des adultes pour grandir et sont donc dans une situation dissymétrique vis à vis de ceux-ci. Une même justice ne peut s’appliquer aux mineurs et aux majeurs, de même que, dans le champ des soins psychiques, la clinique des adolescents auteurs de violence sexuelle diffère de celle des adultes auteurs de violence sexuelle.
Cette représentation que nous avons de nos enfants tour à tour,  adultes en devenir - et c’est ce devenir qui fait la différence - ou considérés comme des adultes miniatures a traversée les siècles. Comme en témoigne, dans l’Art pictural ce tableau de la maternité , du XVIIIe siècle, où l’enfant jésus est représenté comme un adulte miniature, sans aucune des spécificités de l’enfance,  ni de l’infantile.

 

Frédérique Lavèze

Psychologue Clinicienne Responsable Champ « Accompagnement et soins aux mineurs »

 

 

(1) lors de son intervention  à la Journée thématique du CRIAVS  Midi Pyrénées à Toulouse, le 4 novembre dernier.

 

Journée d´étude du CRIAVS Rhône-Alpes : Les violences sexuelles au féminin

Le programme de la 4e journée d´étude du CRIAVS Rhône-Alpes est en ligne.

 

Entrée LIBRE sur inscription uniquement


Depuis l’antiquité, la représentation ancillaire de la femme place cette dernière en position passive, soumise voire complice de l’homme. Pourtant de plus en plus de faits révèlent une position active des femmes dans l’exécution de faits mettant en cause des actes sexuels transgressifs. Malgré tout, les femmes ne représentent que 3.6% de la population écrouée et 9% de la population condamnée. La question est alors de savoir ce qu’il en est de ces chiffres.
Les violences sexuelles effectuées par des femmes sont-elles moins nombreuses ? S’inscrivent-elles dans une représentation sociale du féminin uniquement maternelle donc forcément protectrice ? La construction psychique féminine justifie-elle que les femmes passent moins à l’acte que les hommes ? Si avec Claude Balier nous partons du principe que l’acte est l’expression d’un échec du processus de penser, les femmes seraient-elles davantage en capacité de symboliser ?
Un grand nombre d’études atteste qu’un tiers au moins des auteurs de violences sexuelles ont  été eux-mêmes abusés avant l’âge de 10 ans. Seulement par des hommes ? Notre expérience clinique nous interroge sur l’effet traumatogène de soins primaires insistants et prolongés prodigués par des mères abusives.
Au-delà de la position maternelle, c’est bien la question du féminin qui est posée par ces actes et qui renvoie au défaut de la transmission inter-générationnelle des interdits fondamentaux.
Sur un versant clinique, le recours à l’agir sexuel violent des femmes interroge le meurtre symbolique du père comme tentative échouée d’accéder à une position adulte de mère par l’incapacité éprouvée à tuer symboliquement sa propre enfance. Le crime commis par une femme serait-il alors un crime masculin ou un crime d’homme ?

 

 

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Plan d´accès au World Trade Center à Grenoble



 

Agenda

Cycle 2011/2012 des Soirées et rencontres du CRIAVS :

 

* Le 08/12/2011 - Nouveau cycle des Soirées du CRIAVS - Délégation de Grenoble : Association Passible, centre de soins pour conjoints violents : quelle pratique clinique ? avec l´intervention de Nelly Janin et Danièle Durant-Poudret. Pour vous inscrire et en savoir plus sur le détail de la soirée

 

* Le 12/12/2011 - Soirée du CRIAVS Rhône-Alpes - Délégation de Lyon : Du parler sexe au dire de la sexualité avec les adolescents auteurs de violence sexuelle avec l´intervention de Mmes SION Véronique et DUPUIS Pauline, Psychologues cliniciennes à SOS Enfants ULB St-Pierre & Groupados, Bruxelles, Belgique. En savoir plus

 

* Le 12/01/2012 - Soirées du CRIAVS - Délégation de Grenoble : L’intérêt de la médiation dans un dispositif thérapeutique de groupe pour les auteurs de violence sexuelle avec l´intervention d´Aurélie Vittoz, Psychologue clinicienne CRIAVS-RA délégation de Lyon et SMPR Lyon-Corbas. En savoir plus

 

* Le 07/02/2012 - Rencontres du CRIAVS - Délégation de Saint-Etienne : Expérience du travail infirmier dans les soins aux auteurs de violences sexuelles avec une perspective psychodynamique avec l´intervention de Pierre-Yves Emeraud, Infirmier de secteur psychiatrique, SMPR de Varces-Grenoble, ARTAAS, CRIAVS-RA. En savoir plus

 

* Le 01/03/2012 - Soirées du CRIAVS - Délégation de Grenoble : La reconnaissance de l´acte avec l´intervention de Mireille Stigler, Psychologue clinicienne, CHUV de Lausanne. En savoir plus

 

* Le 06/03/2012 - Rencontres du CRIAVS - Délégation de Saint-Etienne : Les femmes auteures de violences sexuelles avec l´intervention de Philippe GENUIT, Psychologue, Docteur en psychologie, SMPR de Rennes. En savoir plus

 

* Le 22/03/2012 - Soirées du CRIAVS - Délégation de Grenoble : L’expérience de l’utilisation d’un  aménageur de la relation : le Questionnaire d’Investigation Clinique Pour les Auteurs d’agression Sexuelle avec l´intervention de Pierre-Yves Emeraud, Infirmier de secteur psychiatrique, SMPR de Varces-Grenoble, ARTAAS, CRIAVS-RA. En savoir plus

 

Dans les autres CRIAVS :

 

* Le 09/12/2011 - 2ème Journée d´étude du CRIR-AVS PACA : Violences sexuelles intra-familiales : prise en charge et devenir. En savoir plus

 

* Le 16/12/2011 - Journée d´étude du CRIAVS Languedoc-Roussillon : La sexualité, son parcours, ses dysfonctionnements, ses déviances. En savoir plus

 

 

Autres évènements en ligne

 

 Le 09/12/2011 - Colloque scientifique INPES : Comment mesurer l´impact des campagnes de prévention ? En savoir plus


Documentation

* Dernières références saisies dans la base de données documentaire Thésèas :  Consulter les dernières références

 

 

* Presse : Les articles de presse repérés chaque semaine nationalement, sont référencés et disponibles en ligne ici

- Dossier spécial : Débat sur la récidive et la justice des mineurs (semaine du 19 au 26 novembre 2011)

 

 

* Textes legislatifs :

- Proposition de loi adoptée par l´Assemblée Nationale en nouvelle lecture après engagement de la procédure accélérée,visant à instaurer un service citoyen pour les mineurs délinquants

- Circulaire du 2 novembre 2011 relative à l´exécution des peines d´emprisonnement ferme

Accéder aux derniers textes en ligne

 

 

* Sorties cinéma : Toute ma vie (en prison) Documentaire de Marc Evans. (Sortie le 23 novembre 2011)
Au moment même où William Francome nait, le 9 décembre 1981, un homme est arrêté pour le meurtre d’un policier de l’autre coté de l’Atlantique. Cet homme est noir, journaliste et ancien Black Panther, et s’appelle Mumia Abu-Jamal. Pendant que William grandit paisiblement dans une banlieue de Londres, Mumia devient peu à peu un des plus célèbres condamnés à mort américain. En 2006, à 25 ans, William décide de partir sur les traces de celui qui a été en prison durant toute sa propre vie....

En savoir plus

 

 

* Reportages en ligne :

- Mineurs délinquants sexuels en centre fermé
- La question de la récidive
- Violence
- Agnès : un prédateur au collège
- Après la mort d’Agnès …
- Agnès : quand le fait divers devient politique ?
- Délinquance : évaluer le taux de récidive
- Création de 20 centres éducatifs fermés

Cliquez ici pour visualiser les reportages

 

 

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 Le centre de documentation du CRIAVS Rhône-Alpes répond à vos demandes documentaires et d´ouvrages par email, téléphone ou directement sur place sur RDV à Grenoble. Ces documents sont disponibles gratuitement - sous condition d´inscription préalable - à l´ensemble des professionnels de la région Rhône-Alpes.

 

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